L'ancien instituteur Jean-Pierre Bréard nourrissait sa passion pour l'Histoire en fouillant les archives de l'Orne.
Jean-Pierre Bréard a largué les amarres
Passionné d’histoire et de navigation, l’ancien instituteur d’Argentan (Orne) est décédé mercredi 28 septembre à l’âge de 75 ans.
Portrait d'un chercheur de trésors du pays d'Argentan, du Houlme et de Normandie.
"Je vais aux archives une fois par semaine depuis que je suis à la retraite. Cela fait 15 ou 16 ans. ».
Si sa passion pour l’Histoire est « née à l’école primaire », elle a couvé avant d’éclore en 2003, lorsqu’il mène une recherche généalogique.
Il lui fallait lever un lièvre, un tabou familial, dénié par son père.
Une pratique courante ou presque au XIXe siècle « pour préserver l’héritage » et conserver les terres.
Sur sa lancée, Jean-Pierre Bréard a remonté l’arbre généalogique jusqu’en 1600, échouant sur Julien Riblier, demeurant du côté de Flers.
Aux Archives, il n’a cessé de prendre des photos d’actes notariés.
Sans tarder, il précise :
J’ai commencé à faire ces photos d’actes après avoir su les lire. Les photographier, c’est une chose ; encore faut-il les rendre exploitables, utilisables par d’autres. »
Depuis 2009, Jean-Pierre Bréard aurait ainsi compulsé et mis en ligne 1,2 M d’images.
Conservées sur des disques durs externes qui ne le quittent plus, ou publiés sur le site collaboratif geneanet.org
Si, sur la page registre du site Généanet, l’Orne pèse pour 1,7 million d’images, « un million peut lui en être attribué, ajoute Jean-Pascal Foucher. Ce travail ingrat et méthodique n’avait pas d’autre finalité que le partage, pour rendre service aux généalogistes, aux chercheurs et, pour lui-même, j’imagine, la satisfaction de comprendre les relations sociales des siècles passés ». Un travail effectué en toute modestie, mise en lumière par la médaille départementale en 2019.
La généalogie comme porte d’entrée...
Pour lui, c’est « devenu un jeu, un passe-temps ».
Vers 1850, des aïeuls se sont mariés entre cousins germains.
Mais le berceau de sa lignée s’établit à Sainte-Honorine-la-Guillaume.
Un métier qui rend malade
Lui est né en 1947 à Durcet « dans une famille de petits paysans ».
Aîné de 12 enfants, il n’est pas contraint à reprendre la ferme.
Au contraire. « Un instituteur a contribué à m’envoyer au lycée de Flers. »
De là, il gagne l’École normale d’Alençon, et devient lui-même instituteur, 2 ans au départ, à Vimoutiers.
Très vite, il prend une voie très peu empruntée « pour s’occuper des enfants en difficulté » :
Avec un ami, peu de temps après Mai-68, on demande une formation spécialisée. Il fallait être persévérant à l’époque.
Mais De Gaulle, qui avait une fille trisomique, exige de son ministre de l’éducation de faire quelque chose. Sans ça, le développement de l’enfance inadaptée aurait été plus lent. »
– « pas classées avant la Révolution, un problème »…
Ce qui le marque le plus dans cette masse de documents, et l’étonne toujours autant, c’est « la modernité de certaines choses » :
Je me suis aperçu qu’en Histoire, on enseignait de belles histoires. C’est du roman, ce n’est pas très rigoureux. On nous a éduqués par exemple pour être très négatifs sur l’Ancien Régime. On a l’impression que le statut de la femme y était exécrable. Quand on rentre dans le détail, on apprend à voir des choses peu visibles. Comme le statut des femmes dans la coutume normande. Comme elles vivaient sous la tutelle de leur père, puis de leur mari, les gens pensent que leur dot va à l’époux. En Normandie, « bien de femme jamais ne périt ». La dot revient toujours aux femmes. Le mari doit la garantir au départ. »