dimanche 8 septembre 2019

Passage des Jardins à La Carneille


LES JARDINS, POÈME (1780)

Désirez-vous un lieu propice à vos travaux ? 
Loin des champs trop unis, des monts trop inégaux,
J'aimerais ces hauteurs où, sans orgueil, domine 
Sur un riche vallon une belle colline. 
Là, le terrain est doux sans insipidité,
Élevé sans raideur, sec sans aridité. 
Vous marchez : l'horizon vous obéit : la terre 
S'élève ou redescend, s'étend ou se resserre. 
Vos sites, vos plaisirs changent à chaque pas.
Qu'un obscur arpenteur, armé de son compas, 
Au fond d'un cabinet, d'un jardin symétrique 





Soudain un trait heureux jaillit d'un fond stérile, 
Et mon vers ranimé coule enfin plus facile.
Il est des soins plus doux, un art plus enchanteur. 
C'est peu de charmer l'oeil, il faut parler au coeur. 


Qu'enfin les ornements avec goût soient placés,
Jamais trop imprévus, jamais trop annoncés.
Surtout du mouvement : sans lui, sans sa magie, 
L'esprit désoccupé retombe en léthargie ; 
Sans lui, sur vos champs froids mon oeil glisse au hasard. 
Des grands peintres encor faut-il attester l'art ?
Voyez-les prodiguer de leur pinceau fertile 
De mobiles objets sur la toile immobile,
L'onde qui fuit, le vent qui courbe les rameaux, 
Les globes de fumée exhalés des hameaux, 
Les troupeaux, les pasteurs, et leurs jeux et leur danse ; 
Saisissez leur secret, plantez en abondance


Extrais du poème de Jacques Delille, né le 22 juin 1738




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