vendredi 17 avril 2020

Dans les rue de la Carneille au temps jadis faisait appel aux guérisseux


photo des années 30





Il arrivait même que la piété normande honorait de son culte
des Saints imaginaires en leur attribuant des vertus particulières
dont un simple et naïf jeu de mots marquait seul l'origine. En un
pays où le dicton affirmait énergiquement :

a Qui court au mière (médecin) Coun à la bière »

les malades et leurs parents cherchaient dans le ciel des remèdes
moins redoutables que ceux d'ici-bas
Certains de ces rebouteux traitaient leurs malades suivant des
règles absolument différentes. Les uns touchaient le membre blessé
avec une baguette de coudrier. N'allez pas croire cependant qu'il
aurait suffi d'une baguette quelconque. Ce serait une pitoyable
erreur. La tige dont se servaient les praticiens villageois devait
avoir été coupée d'un seul coup lorsque le soleil entrait dans le
signe du Bélier. On plongeait ensuite ses extrémités dans la cire
d'Espagne fondue. D'autres préféraient mettre en contact le membre
brisé avec la partie correspondante de leur propre personne. Pour
les cas exceptionnels, des pratiques particulières étaient prévues.

Pour les autres maux auxquels est sujette l'humanité, l'inquié-
tude paysanne faisait appel aux guérisseux. C'était encore une espèce
d'hommes bien précieuse et entourée de la considération univer-
selle : elle connaissait tant de secrets ! N'était pas, d'ailleurs, guéris-
seux qui le voulait. En outre des connaissances nécessaires à l'exer-
cice de cet art bienfaisant, il était nécessaire que no& gens eussent
la main taupée, c'est-à-dire qu'ils eussent étouffé une taupe dans
cette main, certaine nuit de lune que savaient seuls les initiés.

Les guérisseux possédaient, en outre de leur clientèle humaine,
une clientèle plus nombreuse encore, formée de la foule mugis-
sante, bêlante et abovante des animaux
de taupiers au flair prodigieux. Souvent il a eu recours à leurs
bons offices, souvent aussi il a eu une confiance touchante dans
leurs déclamations et leurs remèdes. L'esprit populaire n'est
cependant pas si simple qu'il ne pourrait le sembler au premier abord.



Herval, René (1890-1972). Auteur du texte .

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